Da Lat

Séjour dans la ville du printemps éternel

Nous laissons la côte derrière nous pour nous diriger vers les montagnes, direction Da Lat. Une vingtaine de minutes avant d’arriver, un orage se déclare et nous devons nous abriter de la pluie battante et des routes inondées. Trempés, nous patientons à une station-service en échangeant avec un vietnamien très gentil et curieux de nos aventures. Vingt bonnes minutes plus tard nous voilà repartis sous une pluie plus fine qui nous permet d’arriver jusqu’à l’hôtel. Nous sommes accueillis très chaleureusement par nos hôtes qui sont aux petits soins pour nous aider à décharger les motos, sécher nos sacs, ranger nos affaires, etc. Malgré la barrière de la langue, les sourires et les petits mots gentils fusent et nous nous sentons comme à la maison. Cette sensation sera présente tout au long du séjour et cela fait de cet hôtel celui que nous avons le plus apprécié depuis le début du voyage.

Da Lat est une ville unique en son genre au Vietnam. Sa situation géographique lui octroie un climat tempéré toute l’année qui lui a valu le surnom de “Ville de l’éternel printemps” et qui permet la culture de beaucoup de produits. Da Lat est notamment connue pour ses roses, son vin et ses fraises mais malheureusement la culture intensive se fait sous serres et celles-ci sont partout. Entourée de lacs, de forêts de pins et de cascades, la ville offre un très joli cadre et de nombreuses balades aux alentours. Da Lat était très appréciée des Français à l’époque coloniale et l’architecture s’en ressent. Certains bâtiments sont d’ailleurs construits avec des matériaux importés de France. C’est le cas du Lycée Yersin que Jacques, le grand-père de Laure, a fréquenté après la 2ème guerre mondiale.

Pour remettre dans le contexte : avant la guerre l’arrière-grand-père de Laure, Lucien Lévy, travaillait au Vietnam et plus précisément à Saïgon (ancien nom d’Ho Chi Minh Ville) en tant que magistrat. Jacques est né à Bac Lieu une ville située sur la côte au sud-est du pays et a grandi à Saïgon. Lors de la deuxième guerre mondiale, son père est destitué de son poste car il est juif. Il ne retrouvera pas son poste après la guerre car, d’après Jacques, les postes clefs de la magistrature étaient occupés par des Corses. En 1947, la famille doit alors déménager à Da Lat où Lucien travaillera en tant que Conseiller à la cours d’appel. Ce déménagement est le sujet d’un récit mille fois conté par le grand père de Laure :

« Les routes étant dangereuses entre Saïgon et Da Lat, nous devions impérativement partir escortés par un convoi militaire. Le jour du départ, les domestiques vietnamiens, le boy et le bep (cuisinier) et leurs femmes, certainement informés de ce qui devait arriver, ont tout fait pour que l’on ne parte pas ce jour-là.
C’était le 23 mars 1947 … Ce convoi a été attaqué par les Viet-Minh. Ce fut l’un des premiers grands succès Viet-Minh; il avait provoqué beaucoup d’émotion.
Nous sommes donc partis le lendemain dans un genre de minibus, ma mère, mon père, (mon frère) Roger qui avait 11 ans, (ma sœur) Mireille 6 ans, le chauffeur cambodgien, le boy et le bep.
Mon père était armé de son mousqueton et il m’avait confié une mitraillette STEN que lui avait remis l’armée au cas où (je n’avais pas encore 14 ans). Au boy et au bep il avait confié des grenades.
A un endroit de la route qui correspondait vraisemblablement au lieu de la fameuse attaque, mais que je suis incapable de définir exactement, première panique générale à bord du bus : la route était jonchée de cadavres, un peu plus loin sur les bas-côtés plusieurs camions calcinés « jeep, DODGE de l’armée ».

Plus loin, j’ai un autre souvenir assez précis de notre deuxième panique ; il s’agissait d’un simple arrêt confort (besoin naturel mais aussi nécessité de faire le plein de carburant avec les jerricans).
J’ai posé assez brusquement en position verticale cette fameuse mitraillette STEN près de moi droit contre un arbre et une rafale est partie toute seule. Mon père avait vite chargé son mousqueton et était prêt à tirer.
Il n’est pas facile de raconter l’engueulade que m’a valu ce coup de pétard de la part de ma mère… »

Jacques a également de nombreux souvenirs de la vie à Da Lat tels que le Lycée Yersin et la cascade de Cam Ly où il allait s’amuser. Malheureusement cette cascade est aujourd’hui transformée en attraction pour touristes et très polluée et nous n’irons donc pas la voir. Nous planifions nos visites grâce aux conseils du fils de nos hôtes et organisons nos journées afin d’éviter les pluies en après-midi. Nous entamerons ainsi la découverte de la ville par la Maison Folle puis par un des palais d’été des empereurs.

A la manière des maisons créés par Gaudi à Barcelone ou de la demeure de facteur cheval en France, la Maison Folle est une maison assez démentielle créé par une Vietnamienne ayant suivi des études d’architecture en Russie dans les années 60. Au-delà de l’aspect architectural inédit, cette immense maison est un “hôtel insolite“ où l’on peut venir dormir une nuit et partir au petit matin avant l’ouverture de la villa au public. C’est l’un des hôtels insolites les plus connus.

La bâtisse est une succession de maisons interconnectées par des escaliers et autres ponts dissimulé par différentes créations artistiques. On y retrouve la jungle, l’océan, les enfers, un navire viking et un jardin semblable au jardin d’Éden. Nous aurons la chance de pouvoir rencontrer l’artiste qui a peint la partie représentant les fonds marins. Son travail titanesque est un chef d’œuvre à lui seul.

Non loin de la Maison folle se trouve le palais d’été de Bao Dai, le dernier empereur Vietnamien. Ce palais a été construit entre 1933 et 1938 selon le style art-déco lancé par Le Corbusier. Son architecture nous a semblée moderne pour l’époque car d’un style des années 60/70 nos pays occidentaux.

Perché sur une des plus hautes collines de la ville, le palais ressemble à une grande maison bourgeoise entouré de forêts de pins et de jardins à la française. Beaucoup d’éléments historiques rappellent que ce lieu était certes, une résidence de vacances mais également le centre du pouvoir pendant ces périodes. Le contraste entre ce palais et la citadelle de Hué, pourtant tous deux ayant servis de résidence à l’empereur Bao Dai, est impressionnante !

A la suite de nos visites nous nous baladons dans Da Lat et autour de son lac. C’est le seul jour où nous visiterons à pied car la ville est immense !

Le lendemain nous partons un peu plus loin direction le lac Tuyen Lam. Ce lac artificiel est entouré de montagnes, d’arbres et de fleurs et offre un cadre apaisant. Nous voyons quelques maisons sur pilotis et des barques de pêcheurs mais également des complexes hôteliers et de grandes villas. Non loin du lac se trouve la pagode Truc Lam que nous souhaitons visiter. En arrivant sur place nous nous rendons compte qu’elle est accessible en téléphérique depuis la ville et nous décidons donc de revenir plus tard en profitant de la vue aérienne.

Nous reprenons donc la route jusqu’à la cascade Datanla à laquelle on accède de manière un peu particulière : en luge ! C’est un lieu assez touristique mais à l’heure du déjeuner nous sommes tranquilles. Une fois installés dans la luge nous voilà partis pour une sorte de petite montagne russe entourés d’arbres, de bruits d’oiseau et de chutes d’eau. C’est à la fois beau et très amusant ! Une fois le circuit de luge terminé nous prenons un petit sentier qui remonte le long de la cascade jusqu’à une plateforme d’où la vue est très jolie. Le retour à l’entrée du parc se fera de nouveau via la luge. La montée le long de la cascade est très raide et nous impressionne mais nous serions bien partant pour un nouveau tour de luge !

Il est temps pour nous de rejoindre le téléphérique pour un petit tour sur les hauteurs de Da Lat. A nouveau, nous sommes presque seuls. La vue depuis la cabine est splendide, entre ville d’un côté et forêts à perte de vue de l’autre. A notre arrivée dans la Pagode nous sommes surpris par la taille du lieu. Ce n’est pas seulement un lieu de culte ouvert au public, mais également un vrai lieu de vie pour les moines. Ainsi, toute une partie du sanctuaire est interdite au public mais les grilles nous permettent d’apercevoir les bâtiments magnifiquement décorés. Un sentiment de sérénité se dégage de cette pagode et de ses jardins fleuris.

Suite au retour en téléphérique, nous finissons la journée par un bon goûter et rentrons juste avant le déluge.

Une bonne nuit et un excellent petit déjeuner plus tard, nous voici de nouveau sur la route pour aller découvrir une nouvelle chute d’eau : la cascade de l’éléphant. Celle-ci est accessible par un sentier peu aménagé et très glissant qui relève de l’aventure. Le débit de cette cascade est impressionnant et nous profitons du frais que dégage l’écume.

Juste à côté de la cascade, se trouve une pagode où l’on peut admirer la deuxième plus grande lady Bouddha du pays (environ 70m de haut). On peut visiter cette statue via une entrée sur le côté et y admirer la vue splendide depuis l’une des oreilles. Malheureusement, comme dans beaucoup d’endroits, les déchets sont nombreux sur ces deux lieux.

Ce problème de déchets est récurrent et nous nous rendons compte au fil de notre voyage dans le pays que la population locale est peu éduquée sur cette question. Dans beaucoup de sites touristiques il y a de nombreuses poubelles et des affiches priant de bien les utiliser mais dans les villes et villages elles sont très rares ou inexistantes. La plupart du temps les déchets sont brûlés par terre. Nous sommes régulièrement choqués de voir des gens de tout âge jeter leur déchets par terre sans aucune réaction de leur entourage. Par exemple, nous n’avons jamais vu de parent intervenir lorsque son enfant jette quelque chose par terre. Alors qu’en Europe la prise de conscience autour des déchets est en train de se faire, ici nous sommes à l’aire du tout plastique et il faudra encore du temps avant que les gens pensent à réduire leurs déchets. Le fossé est grand et nous fait réaliser que nous sommes quelque part chanceux de pouvoir nous préoccuper de nos déchets. Au quotidien, pour nous, il est parfois très difficile de se faire comprendre et d’éviter les pailles, les sacs en plastique etc.

La météo semblant nous laisser un peu de répit, nous partons le lendemain pour une grande randonnée jusqu’au pic de Lang Biang qui offre une vue sur la ville de Da Lat et les vallées alentours.

Cette randonnée, qui nous a été conseillée par le fils de notre hôte, peut se faire de deux manières. L’une en montant en jeep par une route goudronnée et l’autre à pied jusqu’à un sommet plus lointain. Nous optons pour la deuxième option, laissons la moto sur le côté de la route et entamons la montée au beau milieu de champs de café. Nous entrons ensuite dans une forêt de pins pour une bonne heure de montée puis, plus loin, les pins laissent place à la jungle tropicale. Ces changements de végétations sont très net et assez fascinants.

Nous continuons à grimper tranquillement sans nous douter que les derniers kilomètres sont très très raides ! C’est essoufflés et fatigués que nous arrivons au sommet du pic Lang Biang. La vue incroyable nous fait vite oublier les derniers efforts que nous avons fournis et nous profitons de ce bel endroit.

Le ciel étant assez dégagé nous prenons le temps de nous reposer, manger un bon fruit du dragon, faire quelques photos et jouer aux cartes. Nous croisons aussi plusieurs personnes ayant également tenté l’ascension.

Cette pause bien méritée est interrompue par l’arrivée des nuages qui nous encouragent à prendre le chemin du retour sans tarder. L’orage nous rattrape un peu plus bas dans la montagne avec un éclair foudroyant un arbre proche de nous. Les nombreux arbres calcinés nous laissent penser que les orages sont monnaie courante dans cette forêt. Nous arrivons donc en bas trempés de la tête aux pieds et retrouvons notre moto avec nos casques remplis d’eau !

La pluie se calme et nous permet de retourner en ville assez tranquillement et d’aller goûter une des spécialités locale : la glace à l’avocat. Servie avec une boule de glace coco, la texture moelleuse de la crème d’avocat est un pur délice.

La ville de Da Lat, regorge de clins d’œil français architecturaux et sa gare n’y fait pas exception. Construite sur les mêmes bases que la gare de Deauville, elle n’est plus en service commercial de nos jours mais on peut prendre un petit train pour rejoindre une pagode entièrement décorée de mosaïques.

Nous profitons donc de notre avant dernière journée pour tenter l’expérience. Celle-ci restera la moins intéressante de notre séjour ici. Nous avons apprécié de visiter la gare qui présente une architecture peu commune au Vietnam et de voir les vieux trains mais le trajet jusqu’à la pagode et la visite de celle-ci sont un bel exemple d’attrape touriste. Néanmoins, il est intéressant de voyager dans un train de l’époque et nous avons à nouveau rencontré un couple qui voulait absolument se prendre en photo avec nous ce qui nous fait bien rire à chaque fois.

Pour notre dernière journée à Da Lat, nous souhaitons visiter le lycée Yersin où le grand père de Laure a été scolarisé. La journée s’annonçant plus que pluvieuse, nous tentons une sortie en fin de matinée. Seulement 5 minutes après notre départ, une tempête tropicale nous tombe dessus. C’est donc sous des centaines de litres d’eau que nous retournons à notre auberge pour se sécher et attendre une accalmie.

Dans l’après-midi la météo semble s’améliorer et nous retentons une sortie. Celle-ci sera la bonne mais, malheureusement, nous apprenons que les visites sont interdites depuis environ un an suite à des dégradations faites par des visiteurs. Nous essayons d’expliquer nos motivations au gardien mais il nous refuse l’entrée et nous devons revoir nos plans.

C’est donc par les airs que nous admirerons le lycée. En effet, le long d’un des côtés de l’enceinte se trouve un parc d’où nous faisons décoller le drone pour aller survoler en partie les bâtisses et prendre quelques photos. Cela sera l’occasion d’une bonne frayeur car la ville est bardée d’antennes relais qui nous font perdre le signal du drone. Après 5/10 minutes il finira par réapparaitre et atterir à son point de décollage avec de belles photos qui feront plaisir à Jacques.

Ces quelques jours passés dans la région resteront sans nul doute parmi nos meilleurs moments au Vietnam, non seulement pour le côté pèlerinage familial, mais également pour la diversité des lieux visités et l’immense gentillesse de nos hôtes.

Maintenant place à la route pour le delta du Mékong.